LE DÉFI DES PEINES ALTERNATIVES AU CAMEROUN

À regarder de près l’univers carcéral camerounais, on a le sentiment que le gouvernement camerounais a rangé les peines alternatives dans le placard des oubliettes, car la détention préventive tend à devenir depuis belles lurettes : le principe, et la liberté : l’exception. Pourtant il est établi que le Cameroun peut appuyer sur le levier des peines alternatives pour lutter contre la surpopulation carcérale qui est un réel problème des prisons africaines et singulièrement camerounaises.

En effet, la surpopulation carcérale est l’un des maux qui gangrènent les prisons. Les maisons d’arrêt telles que Kondengui à Yaoundé où New Bell à Douala font figure d’exemple en la matière. Une situation qui transforme ces lieux en véritables environnements criminogènes dans un contexte ou l’État camerounais ne fait pas de la construction des prisons une priorité. Paradoxalement, il boude les peines alternatives de liberté, alors qu’une loi y relative est déjà vieille de 5 ans au moins, depuis 2016 si mes souvenirs sont exacts. On n’attend plus que le décret d’application, une réalité proprement camerounaise : on peut l’attendre pendant 10 ans, voire plus au Cameroun. Pourtant la loi sur les peines alternatives avait suscité beaucoup d’espoir. Hélas ! depuis 2016, il faudra encore attendre, pourtant ça urge. Selon la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, au 31 décembre 2017, la population carcérale s’élevait à 31 000. L’usage quasi-systématique par les tribunaux des détentions provisoires est la principale cause de cette situation, car dans les prisons il y’a plus de détenus provisoires que de détenus définitifs.

Les effectifs pléthoriques rendent l’atmosphère instable au sein des prisons. En témoignent les émeutes dans les prisons de Yaoundé et de Buea en juillet 2019. Comment donc désengorger les prisons si l’on n’applique pas les peines alternatives ? Doit-on multiplier des revendications à adresser aux décideurs, pour leur mettre la pression ? Néanmoins, on le sait, tout dépend du Président de la République qui doit prendre ledit décret d’application. Habitué à attendre, le camerounais n’a plus rien à perdre.

Pierre EONE FONDATEUR